DJOUK, réflexion sur les Antilles et le monde

DJOUK(1) est un rapprochement(2) d’Antillais.es aux divers profils désirant participer à la vie politique de leurs pays d’origine en les pensant depuis les Antilles, les communautés émigrées et les diasporas. Réuni.e.s autour de notre vécu d’étudiant.e.s, nous questionnons la notion de Développement et ses ramifications en nous inspirant des pensées décoloniale, postcoloniale, féministe et écologiste.

Un positionnement engagé

Nous sommes engagé.e.s politiquement à produire un discours(3) en dialogue permanent entre tous les espaces de vie des Antillais.e.s, dans un rapport ouvert au monde et à ses influences.            

Notre approche pan-antillaise(4) ne nous sert pour autant pas à masquer nos désaccords, les inégalités sociales, de genres, d’espaces que nous connaissons ainsi que l’ensemble des représentations que nous héritons du fait colonial.

Notre action s’établit dans un cadre antillais extérieur aux notions d’Outre-mer, d’action jeunesse et de position apolitique comme traditionnellement investies par les associations. En dehors de toute activité partisane, nous ne limitons notre participation politique à aucun territoire, institution, État ou encore organisation internationale qui participe à la poursuite de notre engagement.

DJOUK n’est pas un repli, c’est le refus de l’essentialisation, de la validation du discours dominant et des vérités idéologiques ou spirituelles. Nous nous engageons à produire en commun une critique sans concessions, de nous-même et du monde.

Une perspective pan-antillaise

L’initiative réunit plusieurs groupes d’étudiant.e.s et de jeunes actives et actifs Antillais.e.s établi.e.s aux Antilles et en France, l’un des principaux espaces d’immigration étudiante et professionnelle. Il s’agit pour nous de construire un espace de participation au débat politique dans une perspective pan-antillaise au-delà des frontières. 

Notre méthode : Tèt ek Guèl

DJOUK se concentre sur la vulgarisation des savoirs et de la réflexion collective (des rencontres avec des expert.e.s de tout bord : Tèt) afin de constituer une pensée et des actions (des solutions à mettre à l’agenda politique : Guèl).


(1) Djouk

Dans le créole martiniquais, « djouk » désigne un tir, un acte sexuel et le son de l’outil qui travaille le sol pour faire jaden. Dans les trois cas, un djouk en appelle toujours un autre. C’est une charge répétée, qui marque la création consentie d’une chose commune. Pour nous cet outil est la radicalité, le sol, nos espaces en dialogue « djouk », l’énergie que nous mettons ensemble à leur culture.

Ce passage par l’analogie du jaden et de la société (2) nous permet d’établir une autre perspective pour appréhender le monde. La permaculture antillaise est née dans la violence au sein des interstices du système dominant colonial et esclavagiste. Créolisation des savoirs et savoir-faire agricoles, il est à l’image de toutes les populations y ayant eu recours pour leur survie en adéquation avec leur environnement présent et les brides mémorielles de celui qu’ils avaient dû quitter. Aujourd’hui encore, après l’entrée dans la modernité occidentale, le jaden parvient à se moduler (3) dans les marges urbaines des villes antillaises, longtemps après avoir quitté les abords des cases, les fonds et les mornes. Il n’est pas une essence, il est une pratique du monde. Djouk en est une de ses initiations.

  • Raphaël Confiant, Dictionnaire de créole martiniquais
  • Nicolas Lemoigne, Le jardin créole de Martinique, re-con-naissance d’un système cultural marginalisé ?
  • Catherine Benoit, Corps, jardins, mémoires : Anthropologie du corps et de l’espace à la Guadeloupe

(2) Rapprochement

“Action de rapprocher des idées ou des faits, de manière qu’ils s’éclairent l’un par l’autre, il se dit aussi du résultat de cette action.”

Huitième édition du dictionnaire de l’Académie française (1932-1935)

C’est pour nous l’idée d’une union sans assimilation. D’une unité en dehors des dynamiques de luttes de pouvoir et de domination. C’est un moment de commun accord qui témoigne de notre subjectivité, sans présumer que des forces transcendantales l’ont prédestiné et le maintiendront à jamais pour des raisons opaques. Enfin c’est la liberté de nous définir en rapport au monde sans y disparaitre, d’exister de manière collective sur le terrain politique en dehors des frontières définies par d’autres.

(3) Discours

“Discours dans le sens que lui donne l’analyse linguistique des études postcoloniales. A savoir, un ensemble de “sens” qui s’articulent en une expression ayant un effet sur le réel selon son rapport au pouvoir dominant par les représentations qu’il crée. Dans l’analyse foucaldienne du discours, reprise par les études postcoloniales, il s’agit d’analyser les “formations discursive”. C’est-à-dire la structuration de l’espace social par la différenciation des discours, leurs superpositions. Nous confrontant d’une part au discours dominant produit par les institutions françaises, celles de l’économie et de la politique antillaise. D’autres par la pluralité de discours non dominant proposé par le monde militant, culturel et universitaire. Il s’agit pour nous de créer une expression analytique explicitement politique destinée à déconstruire ces discours. Cette démarche a pour objectif de construire un discours nôtre pour conduire des actions nôtre.

(4) Pan-antillais

Utilisé en tant qu’adjectif désignant l’ensemble des populations établies en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin ainsi que les populations immigrées et diasporiques s’y référent dans les principaux lieux de concentration de ces populations hors des Antilles.